L'effet Kiss Cool de la loi El Khomri ou la pensée loin du peuple...

Loi travail : le gouvernement en rêvait, le Sénat va le faireLe Sénat, qui va examiner la loi travail à son tour, « va revenir a minima à la version initiale de la loi El Khomri, celle que nous étions prêts à soutenir » affirme son président Gérard Larcher. Sortie des 35h, accords d’entreprise privilégiés, motifs de licenciement, barèmes aux prud'hommes… La majorité sénatoriale de droite et du centre va reprendre le texte, tout en le « musclant ».
Après l’adoption dans la douleur du projet de loi travail à l’Assemblée nationale, après le rejet de la motion de censure, le texte va arriver au Sénat. Il sera examiné en commission des affaires sociales à partir du 1er juin, puis en séance à partir du 13 juin pour une durée de « deux semaines », explique vendredi dans Le Parisien/Aujourd’hui en France Gérard Larcher, président Les Républicains du Sénat.

Larcher : « La première version du texte nous allait très bien »

L’ironie du sort, c’est que la majorité sénatoriale de droite et du centre va revenir à une version du texte proche de celle présentée en Conseil des ministres. Soit la première mouture du texte qui a mis des milliers de personnes dans la rue, causé la fronde d’une partie du PS et l’usage du 49.3, malgré les reculs du gouvernement.
Gérard Larcher ne s’en cache pas : « On va revenir a minima à la version initiale de la loi El Khomri – celle que nous étions prêts à soutenir – et ajouter des mesures pour la compétitivité des entreprises. (…) Soyons clair : la première version nous allait très bien, elle allait dans le bon sens, même si elle n’était pas parfaite. J’aurais pu la proposer quand j’étais ministre du Travail ! » lance le sénateur des Yvelines, qui évoque les axes : « Sortie des 35 heures », négociation collective « en priorité au niveau de l’entreprise », « flexibilité, avec par exemple la question du périmètre de la définition du licenciement économique » ou encore réforme de la formation professionnelle ou de l’apprentissage.

« On ne fait pas juste bêtement le retour à la V1. On muscle le texte »

La commission des affaires sociales a déjà commencé ses auditions. « On ne veut pas figer les choses avant de les avoir terminées. C’est encore en chantier, mais il y a des orientations », explique à publicsenat.fr Jean-Marc Gabouty, sénateur UDI de la Haute-Vienne, co-rapporteur du texte. Si le chantier est encore en cours, l’esprit est déjà là. Le sénateur LR Jean-Baptiste Lemoyne, autre co-rapporteur, compte bien amplifier la portée du projet de loi. « On ne fait pas juste bêtement le retour à la V1. On muscle le texte » explique-t-il à publicsenat.fr. Le sénateur de l’Yonne ajoute : « On passera d’un texte perdant-perdant à un texte gagnant-gagnant ». « On reviendra à l’esprit de la version initiale du gouvernement avec probablement des modifications supplémentaires d’assouplissement dans certains domaines, notamment en ce qui concerne les petites entreprises où les problèmes se posent différemment. Il faut laisser le plus de liberté possible » complète Jean-Marc Gabouty. Lui-même chef d’entreprise, il dirige la société Territoires graphiques.

« Plus on descend, moins on est dans la posture. L’échelon de l’entreprise a du sens »

Pour Jean-Baptiste Lemoyne, donner la primauté à l’accord d’entreprise, principe rejeté par une partie de la gauche et les syndicats, serait  logique. « Il faut être pragmatique. Plus on descend, moins on est dans la posture et plus on est dans le concret. Cet échelon a du sens » dit le sénateur de l’Yonne. Mais pour Jean-Marc Gabouty, cependant, « il faut préserver le niveau de la branche pour les TPE/PME. Il leur est indispensable. Elle ne peuvent pas tout négocier au niveau de l’entreprise ». « Dans la négociation d’entreprise, l’idée est qu’il puisse y avoir beaucoup plus d’éléments dans la corbeille des négociations, que chacun s’y retrouve » ajoute Jean-Baptiste Lemoyne.

Temps de travail à la carte

Sur les 35 heures, l’esprit des sénateurs semble se rapprocher d’un temps de travail à la carte. « Sur la durée du temps de travail, on va clairement mettre les pieds dans le plat. On veut sortir de ce carcan » explique le sénateur LR. « Il y a des branches qui peuvent décider d’être à 38h, puis une entreprise dans une branche qui peut avoir besoin d’être à 37 ou 39h. Il y a des besoin très distincts de temps de travail selon les secteurs d’activité et selon les entreprises » souligne Jean-Baptiste Lemoyne, qui évoque des « contreparties » dans les négociations quand « le temps de travail va au-delà des 35h ». « On va voir quel cadre on laisse, le temps qui sert de référence au déclenchement des heures supplémentaires » ajoute néanmoins son collègue UDI.

Précisions sur les motifs de licenciement économiques

Quant aux motifs de licenciement économique, l’échelon national – autre point de tension à gauche à l’Assemblée – a plutôt la faveur des sénateurs. Mais ils comptent apporter des précisions « techniques » : « Il faut donner des garanties aux salariés qu’il s’agit bien de difficultés réelles et donner une sécurité aux entreprises. Quand on parle de baisse du chiffre d’affaire, de la rentabilité ou de la trésorerie, mais de combien ? » demande Jean-Marc Gabouty.

Barème pour les prud’hommes et accords offensifs sur l’emploi

Sur le barème pour les prud’hommes, « a priori, on serait pour revenir sur le texte d’origine », affirme le sénateur UDI, qui cependant s’interroge : « Faut-il faire un barème indicatif ou un plafond ? »
Les sénateurs défendront également le principe des accords offensifs sur l’emploi, qui permettent par exemple d’augmenter le temps de travail sans augmentation pour préserver l’emploi. « Il y a un besoin d’entreprises très réactives » selon Jean-Marc Gabouty.

CPA : « On est assez d’accord sur le principe »

Sur la lutte contre les travailleurs détachés, « le texte va dans le bon sens », affirme l’élu de Haute-Vienne. Sur le compte personnel d’activité, « on est assez d’accord sur le principe » mais « il ne faut pas que le compte pénibilité soit une usine à gaz » met en garde le sénateur UDI. Le droit à la déconnexion devrait être aussi dans la version du Sénat.
Quant à la médecine du travail, où il n’y plus dans le texte d’origine de visite médicale systématique à l'embauche, sauf pour les postes à risques, « on a l’impression que le gouvernement met en place ce dispositif  parce qu’il y a une baisse du nombre de médecins du travail. On vous demande un certificat médical dès que vous avez une pratique sportive et ce ne serait pas le cas quand vous travaillez. N’y a-t-il il pas une contradiction ? On va écouter les syndicats et le patronat sur le sujet » assure Jean-Marc Gabouty.

Valls : « La ministre sera ouverte aux propositions de la Haute assemblée sur tous les sujets »

Jeudi, lors des questions d’actualité au gouvernement au Sénat, Manuel Valls a assuré que « la ministre sera ouverte aux propositions de la Haute assemblée sur tous les sujets, à condition que nous gardions cet équilibre favorable aux entreprises comme aux salariés ».
Le Sénat, après être déjà revenu sur le texte d’origine sur la réforme de la Constitution, va encore s’approcher des propositions initiales de l’exécutif. Peut-être le début de la « clarification », souhaitée par Manuel Valls ? Les logiques politiques, surtout à un an de la présidentielle de 2017, devraient cependant vite refaire leurs effets.

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