Un rapport propose de dérembourser les premières consultations chez le médecin
C'est une des propositions les plus chocs du rapport publié mardi par le Conseil d'analyse économique.
Pour responsabiliser le patient et réduire le déficit de la Sécurité
sociale, ses auteurs proposent de dérembourser les premières
consultations chez le médecin. En moyenne, les Français déboursent de
leur poche 498 euros pour leurs soins de santé chaque année (dont la
majorité des frais est consacrée aux soins de ville*) et participent à
hauteur de 9,6% aux dépenses de santé, le reste étant pris en charge par
la Sécurité sociale et les complémentaires de santé.
Dans leur
rapport, les experts recommandent de mettre en place une franchise
annuelle plafonnée qui dépendrait des revenus des patients. L'objectif
invoqué? Responsabiliser les Français qui auraient tendance à multiplier
les consultations et «limiter la surconsommation» de médicaments.
Ainsi, pour une visite chez un généraliste de secteur 1, le patient sous
franchise devra payer les 23 euros de sa poche.
Un plafond à 200 euros en moyenne
Cependant,
le Conseil propose de plafonner cette participation annuelle pour que
les dépenses à la charge du patient ne soient pas trop importantes. «Le
montant de ce plafond pourrait tourner autour des 200 euros en moyenne»,
indique-t-on au CAE, l'équivalent de neuf consultations à 23 euros.
Au-delà
de ce plafond, un système de co-paiement pourrait alors être instauré:
l'assurance maladie et le patient se partageraient la note du médecin
sur une certaine fourchette de dépenses. Prenons l'exemple de la Suisse:
jusqu'à 250 euros en moyenne, le patient paye la totalité des soins.
Puis, entre 250 et 572 euros, le patient ne prend en charge que 10% du
coût des soins. Passé les 572 euros, l'assuré est intégralement
remboursé. Voir l'infographie ci-contre.
Protéger les plus malades
Ce
système de participation permettrait de protéger les plus malades et
les plus modestes. «1% des assurés paye chaque année 5000 euros de leur
poche. Avec un tel système, leurs frais de santé seraient supportés par
les mieux portants», assure-t-on au Conseil d'analyse économique. En
toute logique, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle ne
seraient pas concernés par cette franchise.
Cette mesure
serait-elle efficace? Selon une étude américaine menée sur un groupe de
7000 personnes dans les années 1970, l'augmentation de la participation
financière des usagers (+25%) fait baisser la demande de soins,
expliquait en 2008 Pierre-Yves Geoffard, un des auteurs du rapport. De
plus, les gens qui ont consommé moins de soins n'étaient pas en moins
bonne santé que les autres à l'issue de l'enquête, assurait aussi le
professeur à l'école d'économie de Paris et directeur d'étude à l'EHESS.
«Mais rien ne dit que cette absence d'impact en termes de santé reste
vraie à long terme, parce que les consultations évitées sont aussi des
consultations de prévention», déclarait-il dans une interview accordée aux Carnets de santé .
Cette idée risque de faire grincer
des dents puisqu'elle remet en cause un des principes fondamentaux de
l'Assurance-maladie, à savoir l'universalité de la prise en charge des
soins, quel que soit le niveau de vie du patient. Interrogé sur ce
système de franchise, le secrétaire général de la confédération des
syndicats médicaux français (CSMF) juge cette proposition «totalement
aberrante». «On parle d'améliorer l'accès aux soins et on propose de
faire payer davantage les patients, s'agace le Dr Pierre Levy. De plus,
ce système va à l'encontre d'un principe de 1945 qui dit que tous les
Français sont égaux devant la maladie».
Au Syndicat des médecins
libéraux (SML), on est moins catégorique. «C'est une provocation de la
part des auteurs pour faire prendre conscience du coût des soins et
faire réfléchir, répond son président, le Dr Roger Rua. Est-ce qu'une
franchise est une bonne idée? Personnellement, je pense qu'il faut
davantage faire de pédagogie».
Un système rejeté au Danemark
A
l'étranger, plusieurs pays fonctionnent sur ce principe. Le plafond
prend la forme d'un montant monétaire fixe en Suisse, aux Pays-Bas et en
Suède alors qu'il est fixé en fonction du revenu en Allemagne et en
Belgique. En revanche, ce système a été rejeté au Danemark à cause du
risque de sous-médicalisation des personnes à bas revenus.
* Les
soins de ville couvrent l'activité des professionnels de santé libéraux
(médecins généralistes, spécialistes, auxiliaires médicaux). S'y
ajoutent la consommation de médicaments, d'actes de biologie, de biens
médicaux, de frais de transport, la prescription d'indemnités
journalières ainsi que les soins effectués dans les centres de santé.
Source : le figaro.fr
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