Le fonds Cima poursuit Disney
L’action Euro Disney frauduleusement sous-évaluée?
Par Yves Kengen
Pour de nombreux
épargnants, investir dans Euro Disney semblait un bon placement.
Disneyland Paris est la première attraction d’Europe mais ce succès ne
s’est pas retrouvé en Bourse. L’action Euro Disney SCA a perdu 99% de sa valeur depuis 1990
alors que l’actionnaire majoritaire Walt Disney Co engrangeait, grâce
au parc parisien, plusieurs milliards d’euros de revenus en 25 ans. Une
pilule dure à avaler pour les petits actionnaires.
Devant ce
constat, la société de gestion luxembourgeoise Charity Investment Asset
Management (Ciam), qui gère le fonds Cima, lui-même actionnaire d’Euro
Disney, a décidé de saisir la justice française. Malgré sa fréquentation
importante, le parc ne fait pas de bénéfices. Walt Disney est la
seule
partie qui tire de l'argent d'Euro Disney, grâce notamment à des
prélèvements annuels importants sur le résultat.
Critique sur commissions annuelles de plus de 110 millions d'euros
Comment
en est-on arrivé là? Au pic de sa valeur, la capitalisation boursière
d'Euro Disney était de 3,3 milliards d’euros. Après avoir mis le parc à
genoux en prélevant de lourdes commissions, Walt Disney a décidé, en 2015, de recapitaliser Euro Disney
à son profit. Cette recapitalisation s’est déroulée en trois étapes:
une augmentation de capital, une conversion des dettes en actif et, une
OPA.
Le tout calculé au prix de 1,25 euro par action, validé par
une attestation d'équité du cabinet Ledouble. A l’issue de l’opération,
Walt Disney Co détient 76,7%, le prince saoudien Al-Waleed Bin Talal 10%
et le reste, soit 13,3%, est détenu par des fonds d’investissement,
dont Cima, et des petits porteurs.
Parallèlement aux actions en
justice concernant l'offre, ces actionnaires s'insurgent contre le fait
que, dans le cadre de sa gestion du parc, Disney a absorbé environ deux
milliards d’euros au nez et à la barbe des autres actionnaires, en
prélevant environ 110 à 125 millions d’euros par an, notamment en
contrats de développement et de management. Cima affirme que Euro Disney
est géré dans l’intérêt exclusif de The Walt Disney Company (TWDC). Au
surplus, la direction d'Euro Disney serait dans une situation de conflit
d'intérêts en étant incitée à favoriser TWDC au détriment d'Euro
Disney. A titre d’exemple, tous les salariés d'Euro Disney se voient
accorder des actions d'Euro Disney SCA dévaluées tandis que le comité de
direction reçoit des actions de Walt Disney Co…
Tromperie sur la valeur réelle de la société?
Ciam
soutient par ailleurs que les actionnaires minoritaires ont été trompés
sur la valeur réelle d’Euro Disney à l’occasion de sa recapitalisation.
Le point clé concerne la valorisation du foncier. En effet,
seule une partie du domaine d’Euro Disney est exploitée. Les parcelles
vierges sont progressivement aménagées et vendues. Les plus-values
potentielles sont donc énormes. Pour y voir clair, Ciam a commandé un
rapport à un expert, Thierry Bergeras, dont les conclusions contredisent
celles de l’expert de Disney. En prenant en compte ces plus-values
latentes, il évalue l’action d’Euro Disney à
3,7 euros, soit le triple
du chiffre pris en compte pour lancer l’OPA.
Cima réclame en outre que soient reversés à Euro Disney 930 millions d’euros au
titre des sommes trop perçues par TWDC. Trois procédures sont en cours:
une plainte au pénal contre Disney et ses filiales pour abus de biens
sociaux, dépôt de documents comptables falsifiés et diffusion
d’informations erronées; un procès devant le tribunal de commerce de
Meaux pour obtenir le remboursement à Euro Disney par TWDC de 930
millions d'euros; un recours devant la Cour de cassation française
contre l'approbation par l'autorité des marchés financiers française de
l'offre d'achat des actions Euro Disney déposée par Walt Disney.
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