Le CE peut demander la suspension de sa consultation si le CHSCT n'a pas été en mesure de rendre un avis

La Cour de cassation rappelle que lorsqu’un projet est soumis à la consultation du CE et du CHSCT, le CE doit disposer préalablement de l’avis du CHSCT.
Mais si ce dernier n’a pas été correctement consulté, le CE peut demander la suspension de son information/consultation au juge des référés, lequel devra alors vérifier si le CHSCT a été mis en mesure de rendre un avis.

En septembre 2009, un directeur d’établissement soumet au CHSCT un projet de réorganisation « à effectifs, activité et localisation constante ». Il le soumet ensuite au comité d’établissement mais celui-ci estime qu’il n’est pas en mesure de donner régulièrement son avis puisqu’il ne dispose pas d’un avis régulier du CHSCT. Il saisit donc le tribunal de grande instance (TGI) en référés d’une demande de suspension de la mise en place du projet jusqu’à ce qu’il reçoive une information complète et puisse ainsi donner valablement son avis.

Les juges d’appel rejettent sa demande. Ils estiment d’abord que le CE ne peut pas mener une action au nom du CHSCT : comme celui-ci n’a pas cru bon devoir en engager une, le CE n’était pas en droit de le faire. Par ailleurs, ils considèrent que l’avis du CE n’est pas conditionné par un avis préalable du CHSCT. Enfin, pour eux le CHSCT a été régulièrement consulté et a émis un avis : en effet quand bien même il serait négatif, il se trouve que la majorité des membres du CHSCT a refusé de se prononcer mais que l’un d’entre eux a quand même émis un avis favorable.
La Cour de cassation ne suit pas leur position et donne finalement gain de cause au CE.

UN AVIS IRRÉGULIER DU CHSCT IMPACTE LA CONSULTATION DU CE

Il arrive que l’employeur soit obligé de soumettre un projet à la fois au CE et au CHSCT notamment quand il touche aux conditions de travail des salariés. Tel est le cas d’un projet de réorganisation comme ici.
Il doit être soumis au CE car il relève de sa compétence, s’agissant d’une mesure touchant à « l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise et (...) de nature à affecter les conditions de travail » (C. trav., art. L. 2323-6).
Il doit aussi être soumis au CHSCT qui doit être consulté « avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » (C. trav., art. L. 4612-8).
Quand CE et CHSCT sont consultés sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail, le Code du travail prévoit expressément que « le CE doit bénéficier du concours du CHSCT » et que « les avis de ce comité lui sont transmis » (C. trav., art. L. 2323-27). Il résulte donc de la lecture de cette disposition que lorsqu’un projet est soumis aux deux instances, le CHSCT doit d’abord être consulté et son avis doit ensuite être transmis au CE.
Leur consultation ne fait pas double emploi puisque chacun a son propre domaine de compétence : le CE étudiera la mesure dans sa répercussion sur l’emploi des salariés, tandis que le CHSCT qui a une vision plus technique sur les conditions de travail, appréciera l’impact du projet sur la santé et la sécurité des salariés.

Dans notre affaire ici commentée l’employeur avait correctement appliqué cette procédure puisqu’il a consulté le CHSCT puis, muni de son avis, a consulté le CE.

Oui mais voilà : il ne s’agit pas que de respecter la chronologie de la procédure. Encore faut-il que chaque consultation ait eu lieu dans le respect des règles légales. Autrement dit le CHSCT doit avoir été régulièrement consulté quand il rend un avis pour que le CE puisse lui aussi rendre un avis en connaissance de cause.

C’est pour ce motif-là que le CE a saisi le juge des référés : il estime que le CHSCT n’a pas pu rendre régulièrement un avis puisque la direction n’a pas répondu à ses questions, considérant qu’elles n’étaient pas nécessaires pour qu’il émette un avis, ce projet de réorganisation se faisant « à effectif et activité constante ».

Les juges de la Cour d’appel de Poitiers n’ont pas suivi son argumentation estimant au contraire qu’il y a eu un avis du CHSCT.
En effet, si compte tenu de la position de la direction, tous les élus ont refusé de donner un avis, reste qu’un des leur a émis un avis favorable. Cela était suffisant pour estimer que le CHSCT avait rendu correctement un avis et donc que sa consultation était régulière. Par ailleurs ils ajoutent que ce n’était pas au CE mais bien a CHSCT d’agir pour contester sa consultation.

Mais pour la Cour de cassation, la Cour d’appel a mal interprété l’action du CE : il entendait contester la régularité de sa propre consultation sur le fondement de l’irrégularité de la consultation du CHSCT. Il avait dès lors un intérêt à agir. En effet, elle martèle clairement le principe selon lequel « le comité d’entreprise est recevable à contester devant le juge des référés la régularité de la procédure d’information-consultation menée devant lui lorsqu’il ne dispose pas d’un avis régulier émis préalablement par le CHSCT ». Dès lors, au lieu de rejeter sa demande, « le juge aurait dû vérifier si ce dernier avait été mis en mesure de donner son avis ».

Conclusion : si l’avis du CHSCT que l’employeur transmet au CE a été irrégulièrement rendu, alors ce dernier peut saisir le juge des référés pour faire constater que sa procédure d’information-consultation est irrégulière et demander la suspension du projet jusqu’à ce qu’il dispose de tous les éléments pour rendre un avis en bonne et due forme, et ce sur le fondement de la violation de l’article L. 2323-27 du Code du travail précité.

Source : http://www.wk-rh.fr

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